24 décembre 2014
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L’article dont je parle dans le dessin ci-dessus se trouve ici. Après avoir trouvé les deux films («India Song» et «Son nom de Venise dans Calcutta désert», tous deux de Marguerite Duras) et créé une nouvelle page avec des captures d’écrans, des avant/après, et ayant un truc administratif à faire dans le coin, je pourrais faire un crochet là-bas et y faire de nouvelles photos, celles de Glauque-Land datant de 2001 (horribles, mais on voit l'interieur) et 2004 (potables, mais juste l’extérieur). Ayant fait de nouvelles photos dans la Grotte du Cobra la semaine d’avant, j’étais tout heureux à l’idée de faire de nouvelles photos pour ce lieu-là, mieux cadrées, plus travaillées etc. |
Bottes, bougies, trépied, c’est sous une pluie fine que je me mettais donc en route vers ce lieu fantomatique abandonné depuis pas loin de quarante ans. Une fois garé juste à coté, je me dirigeais vers un des points d’entrée. J’étais déjà venu en 2004 mais le coin avait peut-être un peu changé, j’ai donc demandé à un camarade explorateur de m’indiquer les possibles ponts d’entrées. Arrivant près d’un des accès, surprise, c’est encore plus simple que ce que j’imaginais : il n’y a rien à escalader, rien à faire, juste à se glisser : |
Pénétrant rapidement sur le domaine et marchant d’un pas décidé vers le château, je remarque que le coin n’a pas trop changé. Des piles de grosses pierres encombrent toujours le passage. On les voit déjà dans les deux films, il faut croire qu’elles sont là depuis quarante ans ? Peut-être bien. Au loin, la carcasse lugubre du château se dessine, avec comme en 2004 ces parpaings bloquant tout accès au rdc et au premier étage… |
Une pancarte m’informe que le site est vidéo-surveillé. Doutant de la véracité de l’information, et comptant sur un effet plus dissuasif qu’autre chose (on ne sait jamais) je m’engage sur le site. Je me dis qu’au pire, le temps qu’un vigile arrive j’aurais peut-être eu le temps de faire quelque photos, dont une en particulier qui me tient à coeur. Et peut-être pourrais-je repérer un accès vers l’intérieur du château... Sur place, je ne vois aucune caméra, mais une dizaine de détecteurs de mouvement. Aucune diode clignotante, aucun signal apparent, je me dis (naïvement) qu’elles ne doivent pas fonctionner, et commence à faire mes photos… |
Et c’est après avoir fait trois ou quatre fois le tour du château et des deux dépendances que je suis bien obligé de me rendre à l’évidence : la situation est la même qu’en 2004 : impossible de pénétrer dans le château à moins d’être alpiniste - ce que je ne suis pas. Et je ne me vois pas revenir avec une corde et des pitons. Je fais donc pas mal de photos pour repartir avec le plus de documentation possible sur le château en lui-même : son état, les tags, les dégradations… Je remarque tout de même une porte blindée à un endroit. Si les détecteurs ne marchent (peut-être) pas, j’imagine qu’il en est autrement pour cette porte. Je ne la touche donc même pas, me contentant de l’approcher, puis de soupirer en me disant «Bon, bah c’est mort…» |
M’approchant de l’entrée que j’avais utilisé en 2001 (il y avait un trou à l’époque), je me met à faire une photo destinée aux gens qui suivent Glauque-Land sur les réseaux sociaux (F/T/G) et qui semblent apprécier mes visites. Je sors un petit truc, je m’installe tranquillement, puis je fais quelques clichés. C’est alors que j’entends un bruit de pas juste à coté de moi, puis deux voix : |
M’étant déjà fait surprendre par le passé par des vigiles, la Police Municipale, la BAC ou même une dizaine de CRS, je ne me fais pas trop de souci : je sais pertinemment que je n’ai rien à faire là, je me suis fait choper, je joue le jeu et coopère à 1000% avec les forces de l’ordre. Je réponds poliment à toutes leurs questions et ne parle jamais à moins qu’on ne me le demande : |
«Vous êtes venu comment, monsieur ?» - En voiture. (J'aime bien répondre en me prenant pour Leslie Nielsen.) - Quoi vous vous êtes garés *dans* le parc ?! - Non je me suis pas garé dans le parc. Je suis garé à côté. - Je vous demande par *où* vous êtes ENTRÉ monsieur ! - Ah ! Y’a un barreau tordu là-bas. - D’accord. |
J’ai droit au laïus habituel sur le fait de prendre des photos dans des endroits abandonné («Ca vous plairait si je venais faire des photos chez vous ?»). N’ayant rien d’illégal sur moi, j’attends la suite logique : contrôle d’identité, et je me fais raccompagner dehors. J’ai les photos que je voulais faire, pour moi c’est tout ce qui compte. Entendant un des policiers parlant d’un certain «OPJ», je me dis que cette fois-ci ça risque d’être un peu différent. Ne sachant pas trop ce qui va m’arriver, je cache la carte de mon appareil dans une des poches de ma parka… |
«Bon monsieur, vous allez nous suivre au commissariat, là-bas l’OPJ s’occupera du reste.» L’officier de police judiciaire ? Ca ne sent pas très bon. Je me dis que cette fois je vais me choper une amende et ça m’inquiète un peu. En voiture les choses sont cependant détendues : les deux policiers ont bien compris que j’étais juste quelqu’un qui fait des photos, et ils ne me parlent pas comme à une personne qui les aurait menacés de mort. Nous discutons très cordialement du château Rothschild («Ca ne vaut plus rien, ils devraient le raser, on en a marre de venir attraper des gens là-bas… ») et j’apprends que les détecteurs marchent bien : ils sonnent directement au commissariat. Du moins c’est ce qu’on me dit. Sachant que je me suis fait attraper une heure après avoir fait mes photos, je trouve ça plutôt jouable, j’aurais été vraiment très frustré de me faire choper dix minutes après être entré. Une fois au commissariat, je m’amuse à faire une photo avec mon téléphone, trouvant ma situation «en bottes au commissariat» amusante. |
OPJ : «Alors comme ça vous faites des photos dans des endroits abandonnés ?» - Oui. - Et si je venais faire des photos chez vous vous diriez quoi ? - Mais c’est pas abandonné, chez moi. - Pardon monsieur ? - ... - Vous avez fait beaucoup de photos ? - Un peu. - Bon ben vous allez effacer tout ça. |
Je fais alors semblant de ne pas retrouver ma carte et déballe mes affaires par terre. Je me dis que ça peut marcher, que l’OPJ peut se lasser et me mettre dehors. Je ne réfléchis pas à l’illégalité de la chose (apparemment ils n’ont pas le droit de me demander ça), étant un peu stressé quant à l’issue de cette scène. Et j’ai beau faire le petit con, je vois très bien le regard de l’OPJ : bras croisés, il sait pertinemment que je cherche à le lasser. Ses yeux me disent «Vas-y bonhomme, déballe tant que tu veux, je sais que tu as la carte sur toi, j’ai touuuuut mon temps.» |
N’ayant plus rien à fouiller, je dis que la carte a du tomber quand je me suis fait interpeller. «Elle doit être au château, par terre...» (Avec un bon regard de chien battu.) Très calmement, l’OPJ me dit «Bon ben c’est pas grave, on va chercher le magnétomètre et vérifier ça…» Là je me dis qu’il va se passer deux choses : 1) Je vais passer pour un con. La carte est sur moi, je le sais et il le sait. 2) Il y a peut-être moyen de récupérer les photos après formatage, mais et si ils me flinguaient la carte avec leur truc magnétique ? Je me sens alors tout con en disant ce qui suit : |
Et c’est avec un pincement au cœur que je formate la carte... Oui il y a peut-être moyen de les sauver, mais je suis triste quand même, et en colère : j’aurais du prendre une deuxième carte et formater la mauvaise, une où y’a rien ! Vu que l’OPJ n’a pas demandé à voir mes photos, ce serait passé comme une lettre à la Poste. Trop tard, tant pis pour moi, je n’avais qu’à être mieux organisé. On me rend ma carte d’identité, je demande si y’a rien d’autre à faire ou à signer, on me fait signe que non, je pars. Point positif : pas d’amende. Point négatif : y'a rien de plus frustrant que de revenir sans photos. |
Une fois dehors, je marche du commissariat à la voiture (une bonne demi-heure sous la pluie) et en chemin j’appelle un camarade explorateur pour lui demander si une carte formatée contient toujours les photos qu’ils sont dessus. Sa réponse affirmative me fait beaucoup de bien. Avant de procéder à quoique ce soit, il me conseille de ne rien faire avec la carte (ne pas prendre de nouvelles photos, ne pas essayer de l’explorer etc). Je lui promets un bon resto si il me trouve une astuce en attendant que je sois chez moi. Après coup je me dis aussi que j’abuse de l’appeler comme ça à l’improviste en lui demandant de m’aider alors qu'il n'a certainement pas que ça à faire : je vais donc demander à Google ce qu’il en pense une fois à la maison... |
Approchant de ma voiture, je repasse devant la grille tordue par laquelle je suis entré et constate que des mesures draconiennes ont été prises afin de palier à toute future intrusion. Bravo les mecs, avec votre dispositif personne ne se doutera que c’est ici qu’il suffit de sortir les ciseaux et tordre les barreaux pour entrer : |
Une fois chez moi, je m’aperçois que j’ai un programme appelé Recuva déjà installé. Je ne sais plus pourquoi je l’ai, probablement un disque dur qui me posait des problèmes… J’insère la carte, je demande à Recuva de la scanner en me cherchant tout ce qui est «image», et MAGIE, les photos que j’ai prises sur cette carte réapparaissent ! Environ 1000, allant de ce jour-là à il y a trois semaines. Les photos sont toutes là, dans l’ordre, je n’ai plus qu’à demander à Recuva de les copier dans un dossier de mon choix… |
Sachant que ce que m’a demandé l’OPJ était illégal je ne me fais pas trop de souci sur le fait de récupérer quelque chose qu’on n’avait pas le droit de me demander d’effacer. Je ne m’y connais pas des masses sur ce sujet mais un camarade explorateur qui s’y connait pas mal endroit à l’image m’a dit que ça l’était. (Si vous avez des connaissances sur ce point n’hésitez pas à commenter). |
Après quelques minutes de copie, me voilà tout heureux : les photos ne sont pas perdues. Elles sont dans mon ordinateur, je les sauvegarde, je les copie et j’utilise les meilleures pour étoffer la page Glauque-Land du Château Rothschild (et la note que vous êtes en train de lire). Surtout, je suis très heureux de ne pas avoir perdu la photo que j’ai faite pile au moment où la Police m’a chopé. C’est bien simple, à peine j’avais appuyé sur le bouton que j’entendais les pas des forces de l’ordre. C’est donc avec un grand plaisir que je peux vous présenter cette photo : |
AVERTISSEMENT : Je ne donne pas la localisation de ce lieu mais il est on ne peut plus facile à localiser. Cependant, si vous avez lu cette note et regardé les photos, vous constaterez que le lieu n’en vaut pas la peine : on ne peut pas entrer dedans et c’est surveillé. Si vous tenez à y aller, je ne peux pas vous en empêcher, mais je préfère vous prévenir en étant le plus honnête possible: vous allez traîner quinze minutes sur place, vous ennuyer ferme, puis repartir (par vos propres moyens, ou sortis par la Police). |
Au cas où on vous demande comment vous connaissez le lieu (on sait jamais hein) je vous remercie par avance de ne pas me citer mais de citer Canal + qui a fait un reportage sur une soirée organisée dans ce lieu. La Police n’ira jamais emmerder Canal+, mais moi, oui, peut-être. Merci de votre compréhension. Pour la route, une dernière image de ce lieu fascinant qui continue à pourrir tristement : |