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Soutien
5 décembre 2011 1 05 /12 /décembre /2011 00:01
Ca a commencé par un mail de Virginie : «Bonjour, Je suis en ce moment en train de préparer une émission de talk show (libre antenne) pour la chaîne MCE ayant pour titre "Je suis Gothique". Je suis tombée par le plus grand des hasards sur votre site et j'aimerais savoir quel age vous avez et si vous seriez intéressés pour témoigner lors de l'émission. Cordialement, Virginie.»
 
Depuis une petite dizaine d’années que le site existe, j’ai souvent reçu des mails comme ça. Et à chaque fois j’ai répondu que le site s’appelait bien «Je suis Gothique» mais que moi je ne l’étais pas (c’est bien précisé sur le site si l’on prend le temps de lire la bonne page). On me rassura en me disant que c’était ok quand même, qu’ils avaient lu le site et bien compris qui j’étais, que je ne serais pas invité en tant que Gothique, mais bien en tant que Tim, 32 ans, le mec qui a fait le site «Je suis Gothique». Cool, pour une fois qu’on prend le temps de lire ce qui est écrit.
 
En plus de ça, la chaine s’appelle «Ma Chaine Etudiante». Je pars donc confiant, en me disant qu’à priori c’est une chaine de jeunes, que les gens qui bossent à MCE ne sont pas formatés, qu’on est loin de TF1 ou M6, et que ça risque d’être pas mal. Vite fait, je relis mon site et prends quelques notes, en m’imaginant les questions qu’on risque de me poser. Je me dis aussi que si on m’invite, je risque d’avoir en face de moi des Gothiques qui (à priori) n’aiment pas mon site. Mais peut-être pas. On verra bien. En tout cas je me prépare un peu. En imaginant qu’ils font ça bien de leur coté, ça vaut surement le coup de bosser un peu de mon coté aussi.
 
J’arrive donc dans l’après-midi au Café Barge lundi 19 septembre. Rendez-vous à 15h pour se faire maquiller, puis tournage à 16h. J’entre dans le Café et je vois qu’une émission est en cours de tournage. J’ai un petit coup de flippe : je me serais gouré d’horaire ? Un membre du staff me demande silencieusement qui je suis, pour quelle émission je viens, avant de me dire d’aller me faire maquiller dans le fond du Café. En fait ils tournent plusieurs émissions dans la même journée. C’est évident mais je n’y avais pas du tout pensé. Je patiente donc dans un coin.
 
J’entends des gloussements sur le plateau au loin, et je remarque un garçon que j’ai du voir dans dans le Zapping. Je ne sais pas qui c’est mais il agite les bras très fort. On dirait qu’ils sont en train de tourner un sujet dont le titre pourrait être «Je suis une follasse et je vais rendre un grand service à la communauté gay en renforçant le cliché selon lequel tous les gays sont des follasses». Après ce sujet là, ça devient très intéressant : un sujet sur les Allumeuses. Je mets une majuscule car apparemment c’est un groupe socio-culturel qui mérite qu’on fasse venir des gens pour en parler. Et vas-y que y’a de la pétasse habillée ultra-court, et que ça se trémousse partout etc. Je remarque lors du tournage de ce sujet une femme blonde, qui intervient vers la fin de chaque sujet, déguisée comme un stéréotype du thème abordé. Pour le sujet sur les Allumeuses, elle est en jupe ultra-courte, rouge, avec boa etc. J’imagine alors que lors du sujet sur les Gothiques elle sera Gothique «Romantique».
 
Je discute un peu avec la maquilleuse, qui s’avère être très sympa. Elle me demande qui je suis, pourquoi je suis là, on tue un peu le temps. On parle vite fait Gothisme vu qu’elle l’était pendant un moment, mais que ce n’est plus trop son truc. Elle me fait remarquer alors au loin deux individus que je n’avais pas vu : deux Gothiques habillés comme il faut, avec bottes coquées, bas-résilles, épingles à nourrices, toute la quincaillerie. Je décide d’aller les voir histoire de me présenter. Et s’ils n’aimaient pas mon site et qu’ils me cassaient la gueule ? Tant pis j’y vais quand même.
 
«Bonjour, vous connaissez le site jesuisgothique.com ? C’est moi, je suis invité dans le même sujet que vous.» Directement, ils sourient en me répondant «Ah donc c’est toi qu’on est sensé écraser à coup de bottes ?» - Oui. Je continue : «Elles sont bien coquées vos bottes au moins ? J’tiens pas à avoir des bleus de lopettes quand vous me tabasserez tout à l’heure.» Je tâte leurs bottes, et en fait ils semblent assez indifférents au fait que je sois le mec qui a fait le site. Ils ne se définissent pas trop comme Gothiques, mais comme «Fetish-Industrial-Gothic» et sont deux membres du groupe «Bitch’N’Dolls». Leur allure m’amuse un peu (ça fait 10.000 ans que je n'ai pas vu des gens habillés comme eux) mais très vite nous nous mettons à parler de l’émission, et de comment ça risque de se passer. Eux aussi semblent un peu déconcertés. Ils pensaient passer dans une «vraie» émission, pas une suite de mini-sujets à la Morandini.
 
Devant nous passent les invités des sujets précédents, et un embarrassant sentiment de bête de foire envahit mes deux camarades Gothiques, au point de stresser le plus affirmé des deux. Ils pensent à faire des conneries sur le plateau, aux questions qu’on risque de leur poser, aux clichés… Nous nous mettons tout de même d’accord sur le fait d’attendre de voir comment ça va se passer. Nous nous répétons (pour nous donner de l’espoir) que nous ne sommes pas sur TF1 ou M6 et que peut-être (sait-on jamais) ça sera cool et on s’intéressera pour de vrai, à eux, à moi, tout simplement. Naïfs ? Oh oui nous sommes bien naïfs.
 
Une quatrième personne est également présente avec nous. Elle s’appelle Marie. Toute en noir également, mais façon jean et converses et chapeau noir, et un peu de maquillage floral autour des yeux. Elle semble aussi perdue que nous, surtout lorsqu’un membre du staff lui dit (le plus sérieusement du monde) qu’elle est invitée en tant que «spécialiste des Gothiques». Eclat de rire général des deux Gothiques et moi-même. Sourire embarrassée de Marie, et incompréhension du type du staff, qui s’en va, se rendant compte (enfin, j’espère pour lui) qu’il a peut-être dit une bêtise.
 
Nous discutons encore un peu le temps que le sujet sur les Allumeuses se termine. Une fois le sujet terminé, tout le monde prend une pause et on nous appelle alors sur le plateau pour nous poser les micros, nous installer sur les canapés etc. Je plaisante avec les Bitch’N’Dolls sur le fait qu’ils seront assis sur le canapé gris (avec Marie) et moi sur le canapé blanc, en face, puisque je suis le mec qui se fout de leur gueule sur Internet. Et puis finalement nous décidons que ce serait quand même assez drôle que nous soyons tous sur le même canapé gris, du moins les deux BND et moi.
 
En fait nous plaisantons pas mal et un membre du staff commence un peu à se demander (dans l’optique où ils l’auraient peut-être voulu) s’il y aura affrontement. En voyant comment ça se passe entre les BND et moi, il s’exclame (d’un air déçu) «Ah mais en fait vous ne vous détestez pas !» Je réponds qu’apparemment mes deux camarades piquants «ont l’air d’avoir le sens de l’humour, ce qui est plutôt salutaire». D’ailleurs je demande aux BND s’ils ont prévu de me casser la gueule, ce à quoi ils répondent avec un sourire entendu «On verra après l’émission ». Ambiance très «niark niark», bon enfant, bon esprit. J’ajoute que «S’ils veulent me noyer c’est pas l’eau qui manque» (le Café Barge est installé sur une péniche en bord de Seine). Un des deux BND ajoute «Les pieds attachés à un parpaing.» Le technicien ne sourit pas. Il s’en va et discute vite fait avec d’autres membres du staff.
 
On commence alors à nous installer (moi avec les deux BND sur le canapé gris) et Marie sur le canapé blanc, accompagnée de deux garçons qui se présentent à nous très brièvement «Bonjour, moi c’est Edouard, je serais l’anti-Gothique». Stupeur. C’était prévu ? Il joue un rôle ? En tout cas il est accompagné d’un certain Matthiou qui reste plus silencieux, semblant être lui aussi «anti-Gothique». Nous nous regardons, les BND et moi. Celui à coté de moi me dit «Qu’est-ce que j’fous là…» Je lui tapote sur la cuisse «Ca va bien se passer, ça va bien se passer...» Les gros spots et l’absence de ventilation (ou d’eau) n’aident pas à se relaxer. J’ai bien fait d’emmener ma casquette avec moi, j’ai les yeux un peu moins détruits que mes camardes habitués à une luminosité moindre (stéréotype stéréotype).
 
Commence alors l’émission. Le présentateur (à qui nous n’avons pas été présentés) attaque directement le sujet d’une façon assez étrange. Avant que l’émission ne commence, il est très sérieux, posé, mais dès que ça enregistre, il sourit comme si il venait de gagner au Loto. Bon, ok, les acteurs c’est pareil, ils rentrent dans un rôle, et changent d’humeur en deux secondes pour les besoins d’un film. Et c’est bien ça le problème : il y a un coté très «acteur» qui donne un coté faux à la présentation. Un mec comme le présentateur, qui sourit tout le temps, ça n’existe pas dans la vraie vie. Voilà comment ça commence :
 
 
 
 
 
Gros embarras… Evidemment que c’est une parodie. Je regrette le terme que j’ai utilisé («Pour pas voir que c’est une parodie faut être un peu con»), j’aurais du dire «un peu limité», ç’aurait été plus classe. On nous parle piercings, dépression, secte, plusieurs fois je vois Marie qui sourit tellement elle trouve tout ça ridicule. Elle me regarde en souriant, d’un sourire figé qui dit «Faut absolument qu’on se tire d’ici.» On s’échange des regards avec les BND, des regards qui disent «Pourquoi ces gens sont-ils complètement crétins ?»
 
Mais l’émission se passe plutôt bien. Et en fait on rit pas mal. Je suis impressionné par le BND assis à coté de moi. Autant tout à l’heure il avait l’air assez remonté, et pas très enclin à se dévoiler dans l’émission, autant là il y va à fond, et quoique l’on puisse penser de ce qu’il dit, je trouve qu’il s’en sort vraiment bien. Il dit son truc, tranquillement, avec une certaine classe, avec entrain, contrairement à moi qui ne parle pas beaucoup, car comment voulez-vous trouver la motivation pour parler quand vous avez l’impression que les gens en face de vous n’en ont rien à faire de ce que vous dites ?
 
Quand l’émission a commencé, j’avais un petit lutin dans la poche qui me pinçait toutes les dix secondes en me disant que les gens devant moi s’en foutaient complètement de ce qu'on disait. Au bout de dix minutes, le lutin est entré dans mon crâne par une oreille et hurle «Ils s’en foutent de ce que tu dis ! Ils s’en foutent de ce que tu dis ! Ils s’en foutent de ce que tu dis !» En rythme, avec crécelle, tambour et sifflet.
 
Le deuxième BND est plus absent. Edouard, l’anti-Gothique dépêché (semble-t-il - je peux me tromper) à la dernière minute, joue très bien son rôle. A croire qu’il a fait ça toute sa vie. Nous avons une brève altercation sur les mots «thème» et «message», qui pour moi ne sont pas la même chose. Il me dit que je joue sur les mots, ce à quoi je réponds une connerie, un truc comme «On est là pour parler des mots non ?» Presque du Van Damme, la honte... En fait je me rends compte qu’il est un habitué, qu’il a un très bon débit, qu’il sait là où il veut aller, où m’emmener. Après coup j’aurais tant aimé lui dire que ce n’est pas parce qu’il a un débit rapide qu’il dit des choses pertinentes, ou que ce n’est pas parce qu’il a le dernier mot qu’il a raison, enfin bon… Pendant l’échange où il me dit qu’un message et un thème c’est la même chose, j’avais envie de lui dire que j’ai plusieurs fois vu le film Cannibal Holocaust, un film dont le thème est (entre autres) le cannibalisme, mais ne contenant pas de message pro-cannibale. Mais à quoi bon essayer de convaincre une personne qui ne pense pas ce qu’elle dit ? Edouard n’est pas vraiment anti-Gothique, l’émission n’en est pas vraiment une, on a simplement envie de dire FUCK et de claquer la porte. Oui oui, un gros FUCK écrit au Tippex sur son sac à dos d’ado révolté contre le méchant système.
 
Au loin, en regardant à travers le présentateur et le public, je vois la maquilleuse qui pianote sur son téléphone portable, en levant la tête de temps en temps pour regarder la Seine. Je me dis que la seule vraie discussion que j’ai eu depuis que je suis entré dans cette grande pièce, c’est avec elle. Que les cinq minutes qu’elle a passé à me maquiller ont été mille fois plus naturelles que toute l’émission. Coup de déprime, tandis que le lutin se marre dans ma tête.
 
Arrive alors la blonde habillée en Mercredi Addams (enfin un peu plus pubère quand même). On touche là encore au sublime, je vous laissez apprécier ça sur la vidéo. Puis l’émission de termine, et le présentateur ose une phrase d’une bêtise navrante (je retranscris de tête) : «Alors Marie, est-ce que vous pensez qu’avec cette émission on a fait reculer les clichés ?» Marie, complètement décontenancée, ne peut que répondre «Bah non, avec tout ce que vous avez dit, non, évidemment non.»
 
A la dernière minute je lève timidement mon index et le présentateur me donne la parole. Un peu tendu, j’essaye de placer (très maladroitement) quelque chose qui me tient à cœur : le fait que les Gothiques s’habillent de manière provocante est une carapace, comme un jeu : aurez-vous l’esprit ouvert pour essayer de voir ce qu’il y a sous ma carapace ? Pour m’aborder ? Pour vous intéresser à moi sans avoir peur ? Je dis que ça leur permet de faire le tri entre les gens qui s’en foutent de leur apparence, et ceux qui les repoussent à cause de leur apparence, et donc finalement sont coincés du cul. J’arrive un peu à dire (enfin je crois) que les Gothiques sont un test d’ouverture d’esprit, essayer d’aller voir plus loin que le look... Le présentateur me sourit (ainsi que la présentatrice qui l’a rejoint en route) d’un sourire qui dit «Ouais ouais, c’est ça, bon, tu te tais, c’est dans la boite, on remballe.» C’est mon impression.
 
Nous sortons. Les deux BND repartent vers Gare de Lyon, Marie reste à discuter avec un des cameramen, qu’elle semble connaître. Je rentre de mon coté en me disant que j'aurais du me renseigner, regarder leurs émissions, avant d'accepter. Comme ça j’aurais pu profiter de ma RTT pour aller faire des photos dans un endroit abandonné. Ci-dessous, la vidéo pour vous faire votre propre idée.
 
 
 
 
Wurger - Plex Pervers - Guillaume Genton - Virginie Molina
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